Pour Balayer (v. 2018), l’artiste anglaise Imogen Stidworthy a rendu visite à la communauté de Jacques Lin et Gisèle Durand à Monoblet. Ils faisaient partie du réseau d’accueil pour enfants présentant des troubles complexes, souvent autistiques, que Fernand Deligny a créé dans les Cévennes, dans le sud de la France. L’expérimentation y était centrale : sans utiliser le langage parlé, il a créé une petite communauté à l’opposé de la vie en institution. Les thérapeutes ont été remplacés par des travailleurs sociaux non qualifiés, et l’isolement dans des bâtiments par la vie en communauté dans la nature. Fernand Deligny a créé un environnement dans lequel le langage a cédé la place à des ressources visuelles comme le dessin de cartes, la photographie et le cinéma, utilisées pour essayer de comprendre les gestes, la construction de sens et les errances des enfants.

Après l’arrêt du réseau pendant les années 1980, Jacques Lin et Gisèle Durand ont continué à vivre avec les garçons qui s’étaient installés chez eux fin 1960. Ces garçons, Janmari Jonquet (d. 2005) Gilou Toche et Christoph Berton, sont tous porteurs d’autisme et communiquent de manière non verbale. Dans l’installation, les images d’Imogen Stidworthy dialoguent avec des images vidéo brutes de Jacques Lin tournées entre 2000 et 2008. Des gestes répétitifs sont capturés dans des images en mouvement, telles des observations intimes du rythme quotidien de la communauté.

Dans une projection textuelle, Gisèle Durand décrit les lignes d’erre sur une carte qu’elle a dessinée en 1971. Elles montrent les mouvements de Janmari et d’un adulte qui balaie le sol de la cuisine. Il s’agit de l’une des nombreuses cartes ou traces que les adultes ont créées à partir des mouvements des enfants. Les commentaires de Fernand Deligny sur la carte et des fragments d’autres écrits sont audibles dans la traduction « en direct » en anglais et sont décrits dans le texte original en français. Deux histoires sur Janmari sont également présentées, racontées par Jacques Lin. Dans les images d’Imogen Stidworthy et de Jacques Lin, nous voyons Janmari, Gilou et Christoph devenus adultes sur une période de 14 ans.

Pendant un an, le Musée Dr. Guislain s’inspire du pédagogue français Fernand Deligny (1913-1996), qui était également philosophe, écrivain, cinéaste et artiste. L’approche de Fernand Deligny en matière de soins, d’éducation et de travail social part d’une critique fondamentale de l’intention d’améliorer et de changer l’être humain. Avec une sélection de cartes, de photos et de fragments de films, l’expo Circonstances laisse la place, dès le 12 février 2022, à Balayer – A Map of Sweeping d’Imogen Stidworthy. L’atelier Deligny, auquel Simon Allemeersch donne forme avec des jeunes issus de la psychiatrie gantoise, prend de l’ampleur et continue d’évoluer. La question « Comment les idées de Fernand Deligny peuvent-elles nous inspirer aujourd’hui ? » sera centrale tout au long de l’année.